Leçon
d'anatomie :
Dimanche, c'était l'Aid al Adha, la fête du mouton. 5 millions de hawala égorgés à travers le Maroc le même jour, et d'un seul coup les Honda qui se retrouvent au chômage. Dimanche j'ai vécu mon troisième Aid Kbir. Et surtout, l'histoire d'une journée à part... Je vous propose de vivre en quelques mots le récit de mon premier Aid Kbir, à travers mes yeux de Gawria qui n'avait jamais vu le moindre poulet se faire même déplumer.
Pour mon premier Aid, outre l'hallucinante expérience d'égorgement en live d'un mouton (on y passe tous et on survit, en fait), j'ai pu suivre le cours d'anatomie le plus clair et pratique de toute mon existance. Ou comment l'Aid el Kbir n'est que le reflet le plus flagrant de la chaîne alimentaire. Je m'explique.
J-quelques jours, tu pars acheter ton hawli. Tu le montes (la montée d'escalier d'un mouton mérite à elle seule un article entier vu l'aventure qu'elle représente !) sur la terrasse, tu l'attaches. Jusque là, tout va bien. Jour J: le chef de famille s'empare d'un immense couteau, déjà, toi dans ton petit jogging Domyos du Décathlon de Grenoble, ancien souvenir d'une vie douce et paisible où la plus grande fête religieuse de l'année se résumait en de jolis cadeaux à s'échanger sous un sapin vert (bon d'accord, les aiguilles ça pique, c'est dangereux quand même, un peu), disons que là, déjà, tu fais un petit pas en arrière. Ton euphorie retombe un peu, tu fais moins la maline, tu te grattes la gorge. Tes yeux vont du couteau au mouton, du mouton au couteau. Et soudain, ton cerveau comprend. Ah d'accord. Heu, bon, je crois que je vais m'adosser au mur là, juste comme ça...
Dimanche, c'était l'Aid al Adha, la fête du mouton. 5 millions de hawala égorgés à travers le Maroc le même jour, et d'un seul coup les Honda qui se retrouvent au chômage. Dimanche j'ai vécu mon troisième Aid Kbir. Et surtout, l'histoire d'une journée à part... Je vous propose de vivre en quelques mots le récit de mon premier Aid Kbir, à travers mes yeux de Gawria qui n'avait jamais vu le moindre poulet se faire même déplumer.
Pour mon premier Aid, outre l'hallucinante expérience d'égorgement en live d'un mouton (on y passe tous et on survit, en fait), j'ai pu suivre le cours d'anatomie le plus clair et pratique de toute mon existance. Ou comment l'Aid el Kbir n'est que le reflet le plus flagrant de la chaîne alimentaire. Je m'explique.
J-quelques jours, tu pars acheter ton hawli. Tu le montes (la montée d'escalier d'un mouton mérite à elle seule un article entier vu l'aventure qu'elle représente !) sur la terrasse, tu l'attaches. Jusque là, tout va bien. Jour J: le chef de famille s'empare d'un immense couteau, déjà, toi dans ton petit jogging Domyos du Décathlon de Grenoble, ancien souvenir d'une vie douce et paisible où la plus grande fête religieuse de l'année se résumait en de jolis cadeaux à s'échanger sous un sapin vert (bon d'accord, les aiguilles ça pique, c'est dangereux quand même, un peu), disons que là, déjà, tu fais un petit pas en arrière. Ton euphorie retombe un peu, tu fais moins la maline, tu te grattes la gorge. Tes yeux vont du couteau au mouton, du mouton au couteau. Et soudain, ton cerveau comprend. Ah d'accord. Heu, bon, je crois que je vais m'adosser au mur là, juste comme ça...
C'est
à ce moment précis que tout bascule. Ce que tu vois défiler devant tes
yeux changera à tout jamais ton existence. Va perturber le cours de
ta vie, ta perception du monde, tout. Le couteau tranche la gorge du
mouton : bizarrement, tu te sens presque coupable d'apprécier ce
mouvement si ferme et si net ! Mais là, l'hawli mskin se met à se
débattre dans tous les sens, et exulte ses derniers râles en s'agitant
dans ses éclats de sang, la trachée tranchée et les nerfs rendant l'âme.
Tout le monde s'éloigne, toi tu alternes entre la pâleur extrême et le
rougissement des joues ; ça fait longtemps que tu n'es plus debout mais
bien assise, certainement en train d'écrabouiller le bras gentiment
tendu par une bonne âme consciente des effets d'une première fois. Ce
qui te surprendra le plus, ce seront ces gamins de 3 ans qui sauteront
de joie en voyant le mouton trépasser, et qui seront les premiers à
vouloir aider les grands à le dépecer. Waou. Ils m'ont mise K.O.
Pas de
soucis, tu es une femme forte, et tu as compris que le plus dur est
passé. Tu rassembles tes esprits, tu t'accordes une petite pause
histoire de te changer les idées. Tiens, regardons par dessus la
barrière de la terrasse... mauvaise idée !!! Les bouchers aux couteaux
rouges dévalent les rues sous tes pieds, des peaux de moutons
s'entassent sur les charrettes de fortune et des groupes de jeunes font griller des
têtes sur des feux de bois. !!!! Haut-le cœur, il n'y a donc pas de
répit ?!! Tu commences à vaciller un peu, quand ta belle-soeur
t'appelle. Ah, un humain, un être humain doux et gentil, oui ! Manque de
chance, voilà qu'elle te propose de participer au nettoyage de tout ce
qui se trouve à l'intérieur du feu-hawli...
Te voilà munie d'une grande bassine et d'un tuyau d'arrosage, assise sur un tabouret en plastique de chez le hanout du coin, et c'est parti. Avant, tu as le loisir d'assister au soulevage et à la pendaison de hawli, puis d'observer la maîtrise des bouchers improvisés de la famille qui ôtent la peau, coupent les pattes... C'est là que tu entres en scène, avec ta bassine et tes abats. Je passerai de commentaire ce genre de lessive intestinale, vous savez de quoi il s'agit.

Te voilà munie d'une grande bassine et d'un tuyau d'arrosage, assise sur un tabouret en plastique de chez le hanout du coin, et c'est parti. Avant, tu as le loisir d'assister au soulevage et à la pendaison de hawli, puis d'observer la maîtrise des bouchers improvisés de la famille qui ôtent la peau, coupent les pattes... C'est là que tu entres en scène, avec ta bassine et tes abats. Je passerai de commentaire ce genre de lessive intestinale, vous savez de quoi il s'agit.
Ce
n'est qu'au bout d'un moment de grand ménage, où les terrasses
s'emplissent d'eaux et de raclettes lavantes, où les escaliers embaument
la javel et le fumet des premiers boulfaf, que tu réalises que
finalement tu as adoré. Quelle expérience unique ! Tu te rends compte
que tu étais sous le choc tout du long, mais que tu viens tout juste de
sortir d'un moment incroyable où tu as plus appris en une matinée qu'en
17 ans de SVT. Dingue ! Tu commences à te remémorer tout ce que tu as vu
: comment maîtriser un animal, comment les animaux sentent quand leur
heure est venue, comment trancher la gorge pour réussir en une seule
fois, comment accrocher puis dépecer la bête, descriptifs de tous ses
organes avec expérimentation vue/toucher, puis nettoyage, cuisson, et
plat ! La boucle est bouclée, la chaîne alimentaire bat son plein, tu viens d'assister à une scène mémorable, un apprentissage incroyable de
la vie, qui remet en question des années d'alimentation ignorante, tu es bluffée, claquée, admirative. Quelle fête, cet Aid !
Tu finis tranquillement l'aventure par un couscous du soir aromatisé au choix à la tête de mouton grillée ou aux brochettes de cœur et de rein... J'ai passé mon tour. Le lendemain, c'est xzarland avec le découpage du mouton : scie sauteuse, marteau et couteaux sur-aiguisés sont de sortie pour découper en mille morceaux la bête, et rêver de chaque bout que l'on va savourer... Morozia, guddid, pattes... le plus dur est passé, le meilleur reste à venir. Hawli + moi = bon appétit !
Si
j'ai choisi l'humour pour raconter un peu ma première expérience d'Aid
Kbir en tant que gawria, c'est pour parler de façon originale de cet
événement si unique, ce rendez-vous annuel dont les marocains ont réussi
à me transmettre le virus, et j'ai envie de montrer à quel point
il se passe des choses grandioses en ce jour si spécial. J'admire le
savoir-faire des familles, qui, à l'heure de 2014, savent encore
maîtriser le cycle de la vie comme personne, savent respecter l'animal,
donner un sens à la vie, se rendre compte que tout se mérite et que la
vie, finalement, c'est aussi intense que de partager un mouton grillé...
A la fin de la journée, on est épuisés mais heureux, heureux de ce
moment si fort, si grand, et pourtant si simple.
hahaha ! Trop fort, j'ai commencé à lire cet ancien article parce que le titre "Aid al-Adha" proposé à droite, m'a attiré et vu que mon dernier Aid al Adha passé au Maroc date de y a 6 ans. Bientôt je dirai 7 ans si je n'assiste pas au prochain.
RépondreSupprimerProfitez à fond de ces moments uniques.
Bonne continuation.
Jad
6 ans que vous n'avez pu profiter de l'Aid lkbir, cela doit être difficile quand on est marocain et qu'on aime tant cette fête... Et je sais qu'en France c'est une autre histoire, entre les mesures d'hygiène et les difficultés à trouver une ferme qui accepte de partager cette fête... Bon courage ! Ceci dit je sais que de nombreux musulmans trouvent des solutions, je vous souhaite d'en faire partie, ou de revenir le fêter en famille :) (Z ;) )
SupprimerCe sont des traditions différentes des miennes, et même si on n'est pas toujours fan de tout, le Maroc a ce pouvoir de nous faire apprécier chaque instant, même un intestin de mouton déroulé devant nous... (enfin presque ;) )
Très bon prochain Aid !